vendredi 31 juillet 2015

Les soirées de Bruxelles babel-le


Dans le cadre de Bruxelles babel-le : les soirées
(ouvertes également au public)

Le désordre alphabétique
- le 29 octobre à 20 h, projection du film "Le désordre alphabétique" à la Maison de la Francité, rue Joseph II, 18, 1000 Bruxelles (Métro Arts-Loi).
Claude François (non, pas celui-là, l’autre) a réalisé un film à propos de l’histoire des surréalistes belges (Paul Nougé, René Magritte, Louis Scutenaire, Achille Chavée, Marcel Mariën, Jacques Lacomblez, Tom Gutt et bien d’autres).
La projection sera suivie d’un débat en présence du réalisateur.
Entrée libre.


Julio Cortazar
- le 30 octobre à 20 h, une évocation de Julio Cortazar, à la Maison du Livre, rue de Rome, 24, 1060 Bruxelles.
Jacques Jouet, Oliver Salon et Frédéric Forte nous parleront de Julio Cortazar (1914-1984) à l’occasion du centenaire de sa naissance. Né à Bruxelles, cet écrivain argentin a vécu en France depuis 1951 et a eu des contacts avec l’Ouvroir de littérature potentielle.
PAF : entrée libre pour les participants à Bruxelles babel-le et les sans-papiers, 2,50 € pour les étudiants et chômeurs, 1,25 € pour article 27, 4 € pour les autres.



Rencontre entre écrivains
- le 31 octobre à 20 h, une rencontre entre écrivains belges et oulipiens, à la Maison du Livre, rue de Rome, 24, 1060 Bruxelles.
Quatre écrivains belges (Geneviève Damas, Thomas Gunzig, Jean-Pierre Verheggen, Isabelle Wéry) confrontés (mais dans une ambiance ludique et interactive avec le public) à trois écrivains oulipiens (Frédéric Forte, Jacques Jouet, Olivier Salon) sur le thème : "Toute littérature est-elle à contraintes ?". Robert Rapilly, poète apparenté à l'Oulipo, animera la soirée. Cela promet !
PAF : entrée libre pour les participants à Bruxelles babel-le et les sans-papiers, 2,50 € pour les étudiants et chômeurs, 1,25 € pour article 27, 4 € pour les autres.


Petit musée Queneau
- le samedi 1 novembre à 18 h 30, en présoirée, visite du Petit musée Queneau de Jean-Michel Pochet, rue de l’Amazone, 42, 1060 Bruxelles.
Jean-Michel Pochet, amoureux de Raymond Queneau, collectionne depuis des temps immémoriaux tout ce qu’il rencontre et qui a trait au grand homme : livres, éditions diverses, manuscrits, objets, etc.
Entrée libre.


Lecture publique
- le 2 novembre à 15 h, une lecture publique des textes produits durant la semaine aura lieu, à la Maison de la Francité, rue Joseph II, 18, 1000 Bruxelles.
Entrée libre.

jeudi 30 juillet 2015

Le discours inaugural de Bruxelles babel-le


En guise d’introduction...

Vous ne savez pas toujours à qui vous avez affaire lorsque vous participez à des activités comme Bruxelles babel-le ou Pirouésie. Je vais donc lever un coin du voile et je laisserai le soin à mes comparses de faire de même durant la semaine.
En ce que me concerne, j’ai comme un doute et vous demande solennellement votre collaboration pour le lever.
Voici ce dont il s’agit. L’émotion m’étreint à quelques jours du trente-huitième anniversaire de la mort de Raymond Queneau.
Mon père, ma mère et ma sœur ont évacué de la province de Liège en mai 1940 vers la France. Voilà pourquoi ma famille (dont je ne faisais pas encore partie) s’est retrouvée dans le Massif central, abandonnée littéralement à elle-même. Les maigres archives familiales en parlent à peine, mais à mots couverts. Cependant, mon père évoqua ultérieurement, à quelques occasions, Saint-Léonard de Loblat comme petite ville où ils furent accueillis chaleureusement par les habitants. Quelle ne fut donc pas ma surprise, l’autre soir, en feuilletant la biographie de Raymond Queneau, d’apprendre qu’à la même époque, celui-ci était sous l’uniforme et cantonné à cet endroit. Regardant le journal télévisé belge le lendemain soir, mon attention fut attirée par la démarche de Delphine, fille putative de notre ancien roi Albert Ier, qui intentait un procès afin d’être reconnue comme sa fille légitime et que cette reconnaissance pourrait même avoir lieu à titre posthume. Une illumination secrète s’installa en moi au cours des nuits blanches qui suivirent et depuis, une question taraude mon cœur et mon esprit : « Suis-je bien le fils de mon père ? » ou encore « Et si ma mère avait (par inadvertance bien entendu) fauté avec quelqu’un dans cette région, Raymond Queneau en l’occurrence ? ».
Plusieurs indices confortaient cette hypothèse : je me suis toujours intéressé à l’Oulipo alors que rien ne m’y prédisposait ; près de 54 % des lettres de nos patronymes sont communs ; je suis né le 19 janvier 1941 soit neuf mois après une conception potentielle (si j’ose dire) en mai 1940.
Un autre argument me vient à l’instant à l’esprit : je suis né dans la clandestinité. En effet, le matin de ma naissance, ma mère, bien que toujours réglée, ignorait qu’elle allait accoucher. Elle avait donc développé, par culpabilité, un déni de grossesse, espérant ainsi cacher à mon père, jusqu’au bout, le fruit de cette rencontre fortuite, mais quand même adultérine.
De plus, et pour moi, c’est une preuve irréfutable, j’ai découvert récemment un journal intime que ma mère a tenu en cette période troublée et où elle raconte innocemment avoir été initiée à l’équitation par un caporal durant leur évacuation. « Il m’emmena un jour sur son coursier, raconte-t-elle, durant une de ses trop rares permissions, et je fus incommodée par les secousses du galop. Il ralentit très galamment, mais ne put empêcher un léger balancement permanent durant le reste de notre promenade. J’avais déjà remarqué qu’il adorait s’amuser avec les mots. Ce fut encore le cas : " Ne t’inquiète pas, dit-il, on appelle ça la houle hippo ". Pour ne pas perdre la face, je me mis à rire, mais manifestement, je n’avais pas saisi le mot d’esprit. Il s’en aperçut sans peine et à mes questions, il répondit : Ce n’est rien, tu comprendras plus tard... ».
Est-ce cette houle hippo qui a fait perdre toute retenue et toute décence à ma mère et dont Raymond a profité sans état d’âme ? Je ne sais, mais relisant les propos de Queneau, je pris conscience que contrairement à ce que tous les exégètes de l’œuvre du grand homme avaient pu raconter, ce n’est pas l’Ouvroir de littérature potentielle qui a donné naissance à l’Oulipo, mais bien le contraire : il a imaginé l’Oulipo à partir de cette houle hippo, moment magique qu’il avait passé avec ma mère et dont je suis le fruit inattendu, mais superbe, j’ose le dire...
Je compte donc sur vous pour recevoir tous les témoignages que vous pourriez rassembler à ce propos. Je compte particulièrement sur J.M. Pochet pour qu’il fouille à nouveau dans les deux tonnes d’archives qu’il possède de mon père putatif à la recherche de tout indice qui pourrait m’aider et sur Olivier Salon pour qu’il fasse de même avec les souvenirs ou les sous-entendus de François Le Lionnais. Les enjeux sont colossaux, en effet, je pourrais prétendre à un héritage fabuleux, jouir des droits d’auteur accumulés au fil des ans de ses vingt romans, de ses quinze recueils de poésie, de ses disques et films, ce qui permettrait, à vue de nez, de subventionner au moins une bonne cinquantaine de Pirouésie et autant de Bruxelles babel-le futurs.
Je compte sur vous !

Henry Landroit


Raymond Queneau
Henry Landroit

mercredi 29 juillet 2015

Échos de la soirée "Toute littérature est-elle à contraintes ?"


Bruxelles Babel-le : Hugo plagie Roubaud

Introduction au débat « Toute littérature est-elle à contraintes ? »

par Robert Rapilly



*



Maison du Livre à Bruxelles le 31 octobre 2014, on a confié à une loterie de type « bandit manchot » le soin de tirer au sort une page du tome I des Œuvres poétiques de Victor Hugo, Bibliothèque de la Pléiade, archétype irrécusable des lettres françaises. Le propos était, au hasard, de vérifier que toute littérature soit à contraintes. C’est tombé sur la page 1347, parmi les Notes et variantes :


Sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême

Qui, comme un ancien dieu, se transforma lui-même,
D’Annibal en Cromwell, de Cromwell en César.
C’était quand il couvait son troisième avatar.


Il s’agit  là  d’une sorte  d’épigraphe  qui devait  précéder  l’entame  des   Feuilles d’Automne : Ce siècle  avait deux  ans,  Rome  remplaçait  Sparte… Mais elle fut biffée de la main de Hugo, in extremis avant de  partir chez l’imprimeur. Première observation, le quatrain  ne  comporte  aucun  H,  l’auteur préférant l’orthographe plus rare d’Annibal. Est-ce pour  dire :  1802,  Hugo  n’est  pas  encore  tout à fait apparu ?

La suite est stupéfiante. En direct face au public bruxellois, nous avons activé le Gématron (cliquez sur le mot pour tester l’outil) de Gilles Esposito-Farèse. Cet automate électronique affecte aux lettres une valeur égale à leur rang alphabétique : A = 1, B = 2, C =3, […], Y = 25, Z = 26. Or, quel poids la machine a-t-elle affiché du quatrain de Hugo ? Cliquez à présent ici pour découvrir la réponse apparue à la Maison du Livre.


Ainsi le texte dit-il en substance « 1802 : voici l’année où je vais naître », en même temps qu’il totalise une gématrie = 1802. Exprès ? C’est possible : Hugo ne craint rien de gigantesque, pas même les additions. N’écrit-il à son épouse qu’il compte les marches en gravissant les tours de cathédrales en Belgique ? Rien d’invraisemblable qu’à la mode scolastique, où le pilier gothique démultiplié « raconte » la superstructure flamboyante, il ait surchargé son texte de signes.



« Épigraphe » combinerait ici double acception : « citation qui indique l’esprit de l’ouvrage » et « date gravée en façade du monument ». Maison du Livre à Bruxelles, on a risqué une explication inédite au repentir de Victor Hugo quand il biffe son quatrain : « Mon œuvre est suffisamment vaste, pense-t-il, inutile d'y accoler l'infinitude de la littérature potentielle ». Il aurait donc exonéré provisoirement la littérature du premier principe de Roubaud, composer un texte contraint en parlant de cette contrainte : 1802 comme mesure et comme sujet de la strophe.

*



mardi 28 juillet 2015

Pourquoi a-t-il fait si beau durant Bruxelles babel-le ?


Bonjour à toutes et à tous,

J’espère que vous croulez à nouveau sous le joug du travail après les galipettes que vous vous êtes offertes la semaine dernière.
Comme vous ne savez pas tout, j’ose lever un coin du voile concernant la préparation de Bruxelles babel-le. Vous vous êtes surement demandé pourquoi vous aviez si souvent laissé votre anorak, vos moufles, votre parapluie, votre chasse-neige dans votre sac.
En fait, l’équipe organisatrice était très inquiète lorsqu’il s’est agi de fixer les dates de Bruxelles babel-le. Les deux éditions précédentes, bien que programmées au printemps, s’étaient déroulées soit sous la pluie, soit sous la neige. Il fallait donc que cela cessât.
C’est pourquoi une commission météo fut créée au sein de notre équipe.
Quatre d’entre nous suivirent donc une formation particulière à l’IRM (Institut royal météorologique) afin de nous initier au logiciel OuMéPo, modèle de prévision numérique simulant l’évolution de l’atmosphère. C’est en combinant l’information fournie par ce modèle avec l’expertise du prévisionniste que l’on produit la plupart des prévisions météorologiques.
Les scientifiques de l’IRM poursuivent une quête incessante pour améliorer ces modèles aux niveaux des techniques numériques, de la paramétrisation des processus physiques et de l’utilisation des observations météorologiques. Les résultats de ces recherches sont introduits dans ce modèle de prévision numérique opérationnel, qui est utilisé par les prévisionnistes du bureau du temps ainsi que pour la création des produits et services pour la population.
Après de longues heures de travail (aucun-e parmi nous n’avait touché à ce domaine auparavant), nous fixâmes les dates de Bruxelles babel-le : du 29 octobre au 2 novembre).
Et bingo ! Le samedi 1er novembre prouva à quel niveau de qualité nos recherches et prévisions (faites à près de onze mois de distance) étaient parvenues : le 1er novembre 2014 a en effet été le 1er novembre le plus chaud depuis... 1901 (18,4 degrés).
Et il en fut ainsi pour tous les petits détails de la vie quotidienne de cette rencontre : au cours de nos réunions, nous testâmes la qualité de bières diverses afin de pouvoir vous conseiller lors de votre séjour, le vin qui a coulé à flots lors du pot final a fait tourner la tête à plus d’une d’entre nous, d’autres ont même testé la qualité de la fausse grotte de Lourdes sur le trajet du pèlerinage à vélo et du bus 88. Ainsi, moi-même, quoique mécréant invétéré, me suis-je surpris à commencer un rosaire (prière à contraintes dures) avec comme intention la réussite de Bruxelles babel-le.
Deux précautions valent mieux qu’une, c’est bien connu.
Henry Landroit