mercredi 29 juillet 2015

Échos de la soirée "Toute littérature est-elle à contraintes ?"


Bruxelles Babel-le : Hugo plagie Roubaud

Introduction au débat « Toute littérature est-elle à contraintes ? »

par Robert Rapilly



*



Maison du Livre à Bruxelles le 31 octobre 2014, on a confié à une loterie de type « bandit manchot » le soin de tirer au sort une page du tome I des Œuvres poétiques de Victor Hugo, Bibliothèque de la Pléiade, archétype irrécusable des lettres françaises. Le propos était, au hasard, de vérifier que toute littérature soit à contraintes. C’est tombé sur la page 1347, parmi les Notes et variantes :


Sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême

Qui, comme un ancien dieu, se transforma lui-même,
D’Annibal en Cromwell, de Cromwell en César.
C’était quand il couvait son troisième avatar.


Il s’agit  là  d’une sorte  d’épigraphe  qui devait  précéder  l’entame  des   Feuilles d’Automne : Ce siècle  avait deux  ans,  Rome  remplaçait  Sparte… Mais elle fut biffée de la main de Hugo, in extremis avant de  partir chez l’imprimeur. Première observation, le quatrain  ne  comporte  aucun  H,  l’auteur préférant l’orthographe plus rare d’Annibal. Est-ce pour  dire :  1802,  Hugo  n’est  pas  encore  tout à fait apparu ?

La suite est stupéfiante. En direct face au public bruxellois, nous avons activé le Gématron (cliquez sur le mot pour tester l’outil) de Gilles Esposito-Farèse. Cet automate électronique affecte aux lettres une valeur égale à leur rang alphabétique : A = 1, B = 2, C =3, […], Y = 25, Z = 26. Or, quel poids la machine a-t-elle affiché du quatrain de Hugo ? Cliquez à présent ici pour découvrir la réponse apparue à la Maison du Livre.


Ainsi le texte dit-il en substance « 1802 : voici l’année où je vais naître », en même temps qu’il totalise une gématrie = 1802. Exprès ? C’est possible : Hugo ne craint rien de gigantesque, pas même les additions. N’écrit-il à son épouse qu’il compte les marches en gravissant les tours de cathédrales en Belgique ? Rien d’invraisemblable qu’à la mode scolastique, où le pilier gothique démultiplié « raconte » la superstructure flamboyante, il ait surchargé son texte de signes.



« Épigraphe » combinerait ici double acception : « citation qui indique l’esprit de l’ouvrage » et « date gravée en façade du monument ». Maison du Livre à Bruxelles, on a risqué une explication inédite au repentir de Victor Hugo quand il biffe son quatrain : « Mon œuvre est suffisamment vaste, pense-t-il, inutile d'y accoler l'infinitude de la littérature potentielle ». Il aurait donc exonéré provisoirement la littérature du premier principe de Roubaud, composer un texte contraint en parlant de cette contrainte : 1802 comme mesure et comme sujet de la strophe.

*



3 commentaires:

  1. À propos de l'épatant Gématron de Gilles Esposito-Farèse...

    1) rendez-vous ici http://www.gef.free.fr/gem.php
    2) tapez dans la fenêtre « deux cent-vingt deux »
    3) appuyez sur la touche « Gématrie ? »
    4) goûtez au beau résultat.

    Essayez encore avec cette phrase :
    « Et un coup de dés jamais n’abolira le hasard à Mallarmé ! »

    RépondreSupprimer
  2. Lire « deux cent vingt-deux » et non « deux cent-vingt deux » tapé trop vite.

    RépondreSupprimer
  3. ou encore deux-cent-vingt-deux, selon l'orthographe nouvelle
    (www.orthographe-nouvelle.info.fr).
    Contrairement aux apparences, c'est une simplification...

    RépondreSupprimer