Gérard voit une Jaguar
S-Type 3 litres et se dit que 3 litres aux 100, ce serait bien pour
lui aussi !
Samba voit le hall de
l’Alliance française et pense qu’il ne peut pas décemment y
entrer mal habillé comme il l’est.
Gérard voit flexible
worteplace et ça l’excite.
Samba ne voit pas
l’Alliance française et ça l’attriste.
Samba voit Kinshasa à
Matongé.
Gérard voit la grande
banque de l’avenue des Arts.
Gérard a vu le Palais
Royal à travers les arbres.
Samba voit la banane
oubliée sur un muret près du métro de la Porte de Namur.
Gérard voit « Bank
of China », « BNP Parisbas », et puis plein
d’autres…
Samba voit que les bancs
sont froids et humides et que les serrures des cabines de travaux
sont faciles à forcer.
Samba voit un champ de
graminées en haut d’un mur, il rêve de sorgo.
Gérard voit écrit Health
City, banquiers, banquet, banco.
Gérard voit le policier,
lui demande la place du Trône où il siègerait bien.
Samba voit, écrit sur le
dos d’un homme, Politie Police [ici], il se sauve.
Gérard n’entendra pas
le bruit des balles que Simba a soudées dans ce corps décharné.
Samba entend le crissement
électrique de la brosse qui démêle la fausse chevelure de vrais
cheveux.
Gérard entend un marteau
piqueur derrière le volet clos de l’Autre Regard.
Samba entend presque
claquer la douille qui a le croqué le pied de son petit frère.
Samba entend déjà la
Muziekpublique.
Gérard n’a pas entendu
le deal que Matongé lui a proposé.
Gérard entend le moteur
désagréable d’une voiture.
Samba entend la voix des
hommes qui causent autour d’un banc au métro Trône.
Gérard entend le
démarrage trop bruyant de la BMW et préfère la délicatesse de
la Rover.
Samba entend la perceuse
électrique dans la boutique en travaux. Peut-être ont-ils besoin de
quelqu’un…
Samba entend son cœur
battre.
Gérard entend bien avoir
raison.
Gérard touche la ligne
froide de la clôture métallique qui ferme l’espace ouvert sans
verdure.
Samba touche les baies
rouges des arbustes qui cachent la façade du musée.
Gérard touche, ému, la
plaque de métal « École du bois sauvage » rue Van
Aaastraat.
Samba touche le plâtre
sur la jambe de l’enfant au bout de la rue Saint-Boniface.
Samba ne touchera pas le
fond.
Gérard a déjà touché
le pactole.
Gérard a touché un
lampadaire froid qui lui a réveillé la main endormie.
Samba a touché un arbre
rugueux comme la peau d’un crocodile.
Gérard touche le siège
du scooter, rejette la tête en arrière, attache ses cheveux en
guerre et pense très fort à Mamouth.
Samba touche son ventre
qui gargouille fort en caressant de l’autre main le cache-col de
l’arbre.
Samba a touché du doigt
une vérité.
Gérard touche aussi mon
cœur.
Gérard sent la proximité
nauséabonde des toilettes du CAR-WASH et va y entrer faute de
disposer d’une bouteille en plastique.
Samba sent… « fort »…,
mais il n’y a pas que ça… : « Il y a aussi le
bruit ! » a dit Jacques C.
Samba sent la lessive
onctueuse sur le parebrise d’une petite fiat bleu ciel au carwash
de la rue du Collège.
Gérard croit sentir une
odeur de houblon devant le « Malting Pot » bières
artisanales rue Malibran.
Samba sent le parfum de la
petite rue Malibran.
Gérard a senti La
Malibran péter.
Gérard sent le bon arôme
de café en passant devant la boulangerie.
Samba sent la mauvaise
odeur des voitures.
Samba sent la cuisine à
l’oignon et à l’ail, ça se remet à gargouiller dans son
ventre.
Gérard ne sent rien, mais
alors, rien du tout.
Gérard gouterait
volontiers du « caviar d’âge »…
Samba ne goute pas du tout
la fadeur du gratin de chou-fleur.
Gérard a gouté le vin et
s’est écrié « Hum, que le vin est bon ».
Samba goute avec avidité
la délicieuse soupe de maïs.
Samba voit que l’amour
est possible.
Gérard ne voit pas le
rêve de Samba.
Gérard ne voit pas Samba
qui mendie.
Samba voit la vie d’un
meilleur œil.
Samba
voit que les bancs sont froids et humides et que trois hommes avec
des couvertures lui sourient et lui parlent.
Gérard ne voit pas qui
pourrait lui « offrir l’exception ».
Samba voit, écrit à une
station de métro, « Pour une vie nouvelle dans les quartiers
d’Ixelles ».
Wana, Danielle, Élisabeth,
Violette, Annie, Chantal
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